Lettre du Président du NASF à l’ONU concernant l’impact des filets dérivants Irlandais

Lettre du Président du NASF à l’ONU concernant l’impact des filets dérivants Irlandais sur les stocks de saumon sauvage des rivières Européennes:

Le 31 Janvier 2006

Mr. le Directeur de la Division des Affaires Océaniques et de la Loi de la Mer

Bureau des Affaires Légales .Salle DC2-0450

Nations Unies , New York, New York 10017

Messieurs,

Je viens par la présente attirer votre attention sur une violation de la Convention des Nations Unies concernant la Loi de la Mer et requérir votre assistance pour qu’il soit mis fin à cet état de fait. Je m’exprime ici au nom d’une coalition d’organisations Françaises, Allemandes, Anglaises, Galloises, Espagnoles et d’autres pays , qui ont cherché en vain à faire valoir les clauses de l’Article 66 de la Convention de la Loi de la Mer pour assurer la protection des stocks de saumon Atlantique sauvage ( Salmo Salar) issus de leurs rivières, présentement affaiblis et en danger. Ces poissons sont interceptés par des filets opérant sous licences du Gouvernement Irlandais. Les organisations rattachées à notre coalition et les autres organisations qui soutiennent cette démarche spécifique auprès de votre Division figurent en annexe, sur la liste du Document A.

 

Le saumon Atlantique sauvage est une espèce anadrome de grand migrateur. Les saumons nés dans les rivières d’Europe effectuent leur migration vers les principales zones nutritives des pêcheries d’Islande, du Groenland et des Iles Féroé, pour s’y engraisser. Ces poissons retournent ensuite vers leurs rivières natales pour leur reproduction. La route de retour habituellement suivie par la majorité des stocks Européens de saumon Atlantique sauvage passe par les eaux côtières de la République d’Irlande. Faisant fi des recommandations des scientifiques internationaux des pêches et des protestations répétitives de notre coalition et d’autres groupes depuis des années, le Gouvernement Irlandais persiste à octroyer à grande échelle des licences de pêche au filet dérivant qui ciblent précisément ces stocks migratoires mixtes. Diverses études ont apporté au cours des dernières années la preuve qu’une large proportion des saumons issus des pays de notre coalition sont capturés par ces filets Irlandais.

Depuis ces 20 dernières années, l’avenir du saumon Atlantique a été mis en péril dans l’ensemble de ses zones de répartition. Il subsiste une minorité de rivières dans les pays de notre coalition conservant des stocks durables, mais ceux-ci déclinent rapidement. De vastes et coûteux efforts ont été entrepris localement pour la reconstitution de ces stocks et pour réintroduire le saumon dans certaines rivières d’où il a disparu ou se trouve en voie d’extinction. Il est tragique que les victimes des filets Irlandais soient précisément les poissons qui sont précisément les plus indispensables à la reproduction et au soutien de ces efforts de restauration.

La pêcherie Irlandaise au filet dérivant est scientifiquement classée comme une « pêcherie de stocks mixtes de saumons », pratique qui est unanimement déplorée par les scientifiques et les défenseurs des espèces naturelles, car il n’existe aucun moyen d’empêcher que ces filets utilisés dans ce type de pêcherie puissent éviter la capture de poissons issus des stocks gravement amoindris des rivières de nos pays.

L’article 66 de la Loi de la Mer attire l’attention des pays concernés sur l’approche à retenir pour la gestion des poissons migrateurs anadromes tels que le saumon. Il considère (au paragraphe1) que les pays d’origine (d’où sont issus les poissons) « sont les premiers concernés par ces stocks et en ont la responsabilité ». Ceci s’applique à toute zone occupée par ces poissons au cours de leur migration. Les autres pays dont les eaux peuvent accueillir ces poissons anadromes, au cours de leur migration, (« pays hôtes »), sont spécifiquement tenus de coopérer avec les pays d’origine « pour la préservation et la gestion tels stocks ». Le Gouvernement Irlandais a failli à cette obligation.

Le dessein de cet Article de Loi est d’empêcher un pays hôte temporaire de décimer les stocks migratoires d’autres pays, tout en ignorant leurs protestations contre les atteintes subies . C’est pourtant ce que le Gouvernement Irlandais continue à faire.

Au nom du Fonds pour le Saumon du Nord Atlantique (NASF) et des organisations de conservation Françaises, Espagnoles, Allemandes, Anglaises et Galloises, j’ai adressé une lettre au Premier Ministre Irlandais, le 15 Novembre 2002, demandant formellement que la République d’Irlande n’institue pas des quotas de pêche du saumon Atlantique au filet dans ses eaux sans avoir pris en compte au préalable et avec la plus grande attention la protection des saumons originaires de France, Espagne, pays de Galles, Allemagne, Angleterre, Danemark, Suède, Ecosse et Irlande du Nord. Cette lettre constitue le Document B joint en annexe.

Nous avons été conviés à rencontrer le Ministre Irlandais de la Marine, le 11 Février 2003 . Cette rencontre a été cordiale et constructive. Nous sommes sortis de l’entretien avec le sentiment d’avoir été entendus et la conviction que le Ministre et son Département étaient disposés à coopérer avec notre coalition conformément aux exigences de l’Article 66. Les relevés de séance du Département lui-même (partie de l’annexe F) vont dans le même sens que notre réaction positive. Bien que le Ministre ait fait remarquer qu’il émettait quelques réserves sur notre suggestion que l’Irlande pourrait recourir au rachat des droits de pêche pour mettre fin à l’usage des filets et qu’il souhaitait attendre le rapport de l’Institut Irlandais de la Marine concernant l’impact des filets Irlandais sur les stocks de saumons d’autres pays, en cours d’élaboration, il a affirmé que l’Irlande prenait très au sérieux ses obligations à l’égard de la législation internationale et considérerait avec attention les idées du NASF, accueillerait favorablement les quotas que recommanderait notre coalition et maintiendrait ses contacts par l’intermédiaire d’un membre désigné de son cabinet. (Les notes de réunion démontrent également que le Ministre de la Marine sous estimait le sérieux de la situation. On lui prête une déclaration selon laquelle les résultats préliminaires indiquaient que les filets Irlandais ne faisaient pas obstacle au retour de stocks non Irlandais dans leurs rivières natales « en nombres significatifs ». Ce disant, il reconnaissait que les filets Irlandais capturaient des poissons non Irlandais, mais en ayant l’air de vouloir dire que ces captures ne seraient en contradiction avec l’Article 66 que dans la mesure où elles empêcheraient des poissons de retourner dans leur pays natal « en grand nombre ». Il ignore simplement le fait qu’il n’y a plus assez de saumons dans les rivières de notre coalition pour revenir « en grand nombre ».)

A la suite de cette réunion apparemment fructueuse, j’ai écrit au Ministre de la Marine, le 7 Mars 2003, pour exprimer ma grande satisfaction de son accord pour Å“uvrer avec la coalition dans le sens des dispositions de la Loi de la Mer et pour suggérer certaines initiatives. Cette lettre est jointe en annexe B. Divers rapports et commentaires étaient également joints, émanant d’autres pays et décrivant l’impact des filets Irlandais sur leurs propres rivières. Voir lâ€&#153
;annexe E. Par la suite, notre coalition a soumis des propositions de principes de gestion que le Gouvernement Irlandais pourrait employer pour déterminer des quotas, ainsi qu’une proposition spécifique sur les modalités d’une éventuelle coopération de la coalition avec le Gouvernement Irlandais, dans le cadre d’un travail mutuel.

Le 24 Janvier 2005, nous avons reçu une lettre écrite au nom du Ministre Irlandais de la Marine et datée du 3 Avril 2003. Cette lettre est jointe en annexe F. Les deux paragraphes préliminaires expliquent ce pourquoi nous avons tant attendu à soumettre la question à votre attention , ainsi que notre surprise indignée lorsque cette lettre nous est finalement parvenue. Jusqu’alors nous avions cru que nous faisions cause commune avec le Gouvernement Irlandais pour prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde du petit nombre de saumons de la coalition rescapés. En fait, cette lettre réfute en termes non équivoques tout intérêt de la part du Ministre du Gouvernement Irlandais à travailler avec notre coalition. On nous a déclaré que le Gouvernement Irlandais avait « la totale certitude » que tous les saumons présents dans ses eaux territoriales « appartiennent au pays ». Cela impliquait clairement que ce bien national était placé sous la juridiction exclusive de l’Irlande et que l’Irlande n’avait aucune obligation de prendre en compte les intérêts d’autres nations pour établir ses quotas, pas mêmes ceux des pays d’origine de bon nombre de ces poissons. L’Irlande exploiterait donc cette ressource comme seule elle l’entendrait. Nous soutenons que cette lettre est en totale contradiction avec l’Article 66 et qu’elle constitue, par son contenu et en elle-même, une violation irréfutable de ses dispositions.

Dans la logique de la position du Gouvernement Irlandais exprimée dans cette lettre, des quotas ont été établis pour 2003, 2004 et 2005, sans aucune participation des pays de notre coalition et sans la moindre considération de l’impact destructif de ces quotas sur les stocks de ces pays.

La Convention de la Loi de la Mer préconise que les conflits soient réglés par négociation entre les parties. Nous avons fait tous les efforts possibles pour rechercher un accord amiable avec le Gouvernement Irlandais pendant plus de trois ans. Bien que nous ayons tenté de faire valoir nos droits conformément à l’article 66, tant par correspondance que par discussions avec le Gouvernement Irlandais, les filets Irlandais ont dans le même temps accru la proportion de leurs prélèvements par rapport aux total des captures de saumon de la « Région Sud Européenne »- région retenue par l’organisation scientifique internationale, le Comité International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) et qui inclut l’Irlande, le Royaume Uni, la France, l’Espagne, l’Allemagne et le Danemark.

D’après les statistiques du CIEM et de la Direction des Pêches Irlandaises, les filets Irlandais capturaient, il y a dix ans, 26% du total des captures de saumon de la Région Sud Européenne. Ces dernières années, ces mêmes filets ont prélevé bien au delà de 50% des captures de ladite Région. Les chiffres en question sont joints en Annexe G.

Permettez moi de présenter la situation de l’Irlande dans son contexte. Il est reconnu universellement que le saumon Atlantique est en grave danger et que des mesures drastiques sont indispensables pour assurer la préservation de l’espèce. L’Organisation de Conservation du Saumon de l’Atlantique Nord (OCSAN) a entrepris de réduire les pêches d’interception du saumon Atlantique en mer, mais l’OCSAN n’est pas habilitée à agir à l’intérieur des zones de pêche placées sous la juridiction de ses pays membres (dont fait partie la République d’Irlande).

Tous ces pays, à l’exception de la République d’Irlande, ont soit interdit les filets dérivants pour la pêche du saumon Atlantique, soit achèvent d’éliminer cette méthode de pêche commerciale. Tous mettent également en vigueur des politiques nationales très strictes de conservation et de restauration de leurs stocks. Les efforts du NASF et des organisations poursuivant les mêmes objectifs sont pratiquement parvenus à éliminer les pêches commerciales d’interception (filet et palangres) dans l’ensemble des zones d’engraissement majeures du Groenland, Islande et Iles Féroé par le recours à des accords commerciaux de conservation. Les Etats-Unis ont désigné le saumon Atlantique comme espèce en danger et en interdise strictement toute forme de pêche. L’Angleterre, le Pays de Galles, le Canada et la Norvège ont tous soit mis fin aux quotas, soit aidé les organisations de conservation à racheter les quotas pour mettre fin aux captures des filets.

Il est assez ironique et en vérité tragique que bon nombre des poissons sauvés par ces mesures de conservation finissent leurs jours dans les filets Irlandais. Alors que toutes les autres nations qui possèdent du saumon Atlantique prennent des mesures appropriées et drastiques pour restaurer leurs stocks de saumon, le Gouvernement Irlandais continue à autoriser la pêche au filet dérivant, attribue des quotas de captures de stocks mixtes, augmente la proportion de captures autorisées de stocks de saumons Européen par ses filets et tire en réalité profit des efforts de conservation des autres nations productrices de saumon sauvage.

Votre Division est l’instance investie par les Nations Unies de la responsabilité de veiller à la bonne application de la Loi de la Convention de la Mer. Aussi, nous sollicitons la Division d’engager sans délai une étude de cette situation. Nous considérons que les obligations du Gouvernement Irlandais aux termes de l’Article 66 sont claires et sans équivoque.

Nous plaidons que le manquement du Gouvernement Irlandais à coopérer aux obligations de conservation et de gestion des stocks de saumons Européens traversant les eaux Irlandaises constitue une violation de fait, claire et sans équivoque, de l’Article 66, dont il transgresse l’objet. Nous nous tenons prêts à rencontrer les représentants de la Division, à leur meilleure convenance et dés que possible, et à fournir à la Division toute information complémentaire qui lui serait nécessaire. Nous demandons également à la Division de bien vouloir nous informer de tout élément de validation de la présente plainte qui manquerait éventuellement à cette requête, afin que nous puissions proc
éder aux révisions nécessaires.

Au nom de la coalition du NASF

Orri Vigfusson, Président du NASF

 

Traduction NASF France,

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