A propos de l’arrêt des filets Irlandais à saumon

Article paru dans Le Times du 4 Décembre 2006

Pêche : la fin de la pêche au filet libère l’accès des saumons à leurs rivières d’origine

Les pêcheurs de saumon en rivière viennent de se voir offrir l’un des plus formidables cadeaux qu’ils aient reçus depuis un demi siècle. Après des années de protestations, l’Irlande a cédé aux pressions et a mis fin à la pratique de la pêche commerciale du saumon au filet au large de ses côtes à dater du 1er Janvier 2007.

Cette décision marque le sommet couronné de succès d’une campagne de dix ans engagée par diverses organisations représentant 30.000 pêcheurs en rivière de la République d’Irlande, l’ensemble de la communauté des pêcheurs Britanniques de saumon et des pêcheurs sportifs de plusieurs pays du continent Européen. Des mesures de compensation sont mises en place en faveur des 850 pêcheurs professionnels qui vont se voir privés de leurs licences de pêche au filet. Elle met un terme, théoriquement d’un seul coup, à l’activité d’une pêcherie de la cote Ouest d’Irlande qui prélevait encore récemment, chaque année, jusqu’à un demi million de saumons faisant route non seulement vers leurs propres rivières d’Irlande, mais aussi vers leurs rivières de Grande Bretagne, de France, d’Espagne et d’ailleurs. Elle va délivrer les populations de saumons d’une pression qui les avaient amenées sur certaines rivières jusqu’au point de leur extinction.

Cela laisse entrevoir la perspective d’un rétablissement des stocks et de la qualité d’une pêche au saumon en Grande Bretagne comparable à celle qui jadis attirait les pêcheurs sportifs des Etats-Unis et d’au-delà, si du moins l’opération est correctement gérée et financée.

Les premiers résultats vont apparaître rapidement. Selon le Ministre Irlandais de la Marine, ce seront environ 68.000 saumons qui auraient été légalement capturés au filet en 2007- plus, sans nul doute, plusieurs milliers non déclarés- qui vont pouvoir retourner librement dans leurs propres rivières d’Irlande et s’y reproduire. D’autres dizaines de milliers vont pouvoir poursuivre leur route de retour vers leurs rivières d’autres pays Européens.

Avant le commencement de la pêche commerciale au filet, 68.000 saumons auraient été peu de chose. Aujourd’hui cela représente une relance importante pour des rivières jadis prolifiques et dont les remontées de saumons se comptent maintenant par centaines et même par dizaines d’individus.

Le saumon, et partant la pêche du saumon en rivières, ont gravement décliné depuis que les scientifiques ont commencé à éclaircir les secrets de ce poisson, il y a environ 50 ans.

C’est au cours des années 1950 et 1960 qu’il fut découvert que non seulement les saumons d’Europe mais aussi ceux des Etats-Unis et du Canada se rassemblaient en mer autour du Groenland et des Iles Féroé.

De grosses pêcheries commerciales surgirent alors jour après jour. En un rien de temps, des milliers de miles de nappes de filets invisibles étaient tendues en travers des zones de passage étroites empruntées par les saumons en provenance de leurs rivières natales ou sur le trajet de leur retour. L’un de ces itinéraires aboutissait à la cote Ouest de l’Irlande.

Le résultat était inévitable. Partout les captures montèrent en flèche, puis défaillirent et…s’effondrèrent. Au début des années 1980, il fût estimé que la moitié du stock de saumon Atlantique avait été exterminé. Par la suite , le déclin s’est accru et l’impact s’est étendu. Un Un effondrement des captures de la pêche en rivière s’en est suivi, de même que celui du tourisme de pêche sur lequel compte de nombreuses communautés isolées, notamment en Irlande et en Ecosse. Les ghillies ont perdu leur job, les marchands d’articles de pêche et loueurs de barques ont fait faillite et beaucoup de petits hôtels et de bed and breakfast ont fermé.

Le combat a commencé en 1989, quand un homme d’affaires Islandais, Orri Vigfusson, lança l’idée de payer les pêcheurs au filet pour cesser leur activité. Les pêcheurs en rivières et les défenseurs du saumon de l’Amérique du Nord à l’Europe ont depuis lors versé des millions de Livres pour son Fonds du Saumon du Nord Atlantique (NASF) et, l’un après l’autre, les filets ont été rachetés au Groenland, aux Iles Féroé, en Europe et, plus tardivement, sur la cote Nord Est de l’Angleterre. Il y a trois ans, seule l’Irlande faisait encore exception ; aujourd’hui, elle bénéficie de la libération de ses propres saumons à la suite de toutes ces opérations de rachat.

Pendant tout cette période, l’Irlande a été menacée par la Communauté Européenne de poursuite pour enfreinte à la législation sur l’environnement ; l’organisation Irlandaise « Arrêt immédiat des Filets Dérivants » a permis aux propriétaires riverains et aux pêcheurs en rivières de s’exprimer d’une seule voix pour contrer le puissant lobby des pêcheurs au filet.

Aujourd’hui, le Gouvernement Irlandais s’est incliné, mais il est d’une importance capitale que les résultats si difficilement obtenus ne soient pas dilapidés. Alors que les filets détruisaient aveuglément, capturant non seulement des saumons retournant vers des rivières bien stockées, mais aussi, parfois, les derniers survivants de rivières en danger de mort, les cours d’eau Irlandais ont désormais besoin d’une gestion bassin par bassin ; c’est le seul moyen valable de garantir une gestion individuelle indispensable des différents stocks.

D’autre part il faut que l’interdiction des filets fasse l’objet d’un contrôle efficace, ce qui n’est pas une mince affaire au regard d’une cote aussi sauvage et peu peuplée que celle de l’Ouest Irlande. De plus, la vente de tout saumon capturé à la ligne devrait être interdite ; si cela n’était pas le cas et si les mécontents remplaçaient leurs filets par d’autres engins de pêche, cela reviendrait à simplement transférer les droits de pêche de la mer vers les rivières. Les pêcheurs raisonnables eux-mêmes devront continuer à limiter leurs captures.

Pour autant, la fermeture des derni&e
grave;res pêcheries intensives au filet dérivant dans le Nord Atlantique ne met pas fin aux problèmes du saumon. Un grand nombre de jeunes saumons disparaissent en mer inexplicablement, peut être à cause des changements de température de l’océan. Le mauvais état de l’habitat laissé à l’abandon et l’exploitation agricole intensive entraîne une diminution importante de la capacité d’accueil du cours supérieur des rivières et de leurs affluents. Sur certaines rivières, les saumons échappés de fermes d’élevage sont plus nombreux que les poissons sauvages ; l’intégrité génétique du stock sauvage – et peut être ses instincts migratoires – s’en trouve altéré.

Il y aurait plus à dire. Mais au moins, la décision tant attendue a été prise. Les pêcheurs de saumon Britanniques et Irlandais (*) peuvent s’en féliciter, et à juste titre.

Brian Clarke (correspondant Pêche)

Traduction Nasf France

(*) Note du traducteur : et Bretons…

N.B : Puisse la courageuse décision prise le 1er Novembre 2006 par le Gouvernement Irlandais et ce commentaire concret du journal Anglais ,The Times, inciter les Fédérations et Associations de Pêche des départements bretons, ainsi que tous ceux qui militent pour la sauvegarde et le développement du saumon dans nos rivière, à poursuivre et intensifier leurs efforts !

Il est plus que jamais indispensable que la capacité d’accueil du cours supérieur de nos rivières et de leurs affluents soit restaurée pour que nos saumons bretons, enfin libérés des ravages des filets Irlandais, puissent se reproduire dans les meilleures conditions possibles ; ces zones d’habitat d’intérêt prioritaire doivent pour cela retrouver la pureté de leurs fonds et de leur substrat aujourd’hui de plus en plus ensablés et colmatés, avec les conséquences néfastes que l’on sait sur les résultats de la reproduction. Sinon, il faudrait réenvisager un repeuplement artificiel de nos rivières à saumons. Le choix reste à faire !

 

André Dhellemmes NASF France

 

3 commentaires.

  1. Bonjour,
    merci, c’ est une bonne nouvelle.
    où peut-on se procurer des documents techniques qui puisse aider à l’amélioration
    des zones de frayères ?(colmatage …)
    plantation de ripisylve, bande enherbé, erosion des berges …
    les premiers effets devraient se voir rapidement.peut être même cette année.

  2. Bonjour, merci !
    Nous attendons tous les conséquences de cette décision dès cette année, on croise les doigts 😉

  3. quand les politiques veulent se mobiliser avec les assoc,ça va de l’avant.
    merci pour la traduc

Commentaires clos.