Orri Vigfusson a reçu la plus prestigieuse récompense environnementale réservée aux défenseurs de l’environnement pour son combat contre l’extinction du saumon de l’Atlantique.

Orri Vigfússon, 64 ans, vivant à Reykjavik, en Islande, est l’un des six lauréats du Prix Goldman pour l’environnement, qui vient récompenser la campagne qu’il mène depuis 16 ans contre la disparition du saumon sauvage de l’Atlantique. Depuis que M. Vigfússon a créé le North Atlantic Salmon Fund1, la pêche commerciale en haute mer dans l’Atlantique a été réduite de 75 % et plus de 5 millions de saumons de l’Atlantique nord ont pu être sauvés. Pour sceller ce succès, M. Vigfússon invite maintenant l’Écosse et la Norvège à interdire la pêche commerciale au filet du saumon de l’Atlantique.

C’est à la fin des années 1980 que M. Vigfússon s’est fixé pour objectif de faire interdire la pêche industrielle du saumon dans l’Atlantique nord, après s’être rendu compte, en tant qu’amateur de pêche sportive, que les populations de saumon sauvage avaient été réduites à des niveaux dangereusement bas : menacées par la pêche commerciale aux filets dérivants, les prises de saumon dans l’Atlantique étaient en effet passées de plus de 4 millions en 1979 à 700 000 en 1999. Pour M. Vigfússon, cette diminution importante du nombre de saumons influait non seulement sur les écosystèmes sensibles de l’océan et des fleuves, mais également sur les communautés rurales dépendantes du saumon pour leur survie.

Le problème du saumon a commencé à se poser dans les années 1950 et 1960, lorsque l’industrie de la pêche a découvert que non seulement le saumon européen, mais également les saumons américains et canadiens, se rassemblaient autour du Groenland et des îles Féroé. D’importantes sociétés de pêche commerciale furent créées et des milliers de kilomètres de filets dérivants furent posés en travers des routes empruntées par les saumons pour rejoindre et quitter leurs lieux de ponte. La pêche est d’abord montée en flèche puis s’est effondrée, le déclin s’est accentué et l’impact s’est étendu : les prises des pêcheurs à la ligne ont considérablement baissées, de même que le tourisme de la pêche dont dépendent de nombreuses communautés isolées.

Pour lutter contre la surexploitation du saumon sauvage et éviter aux communautés la ruine économique, M. Vigfússon fonde, en Islande, le North Atlantic Salmon Fund (NASF), un concept innovant pour sauver le saumon de l’extinction. Son idée est simple : payer les pêcheurs au filet autorisés pour qu’ils ne prennent plus de saumons. Les pêcheurs à la ligne et les écologistes européens et nord-américains s’enthousiasment pour son approche qu’ils soutiennent grâce à d’importants dons2. En réunissant ainsi 35 millions de dollars (environ 27 millions d’euros), M. Vigfússon peut racheter les droits de pêche au filet des pêcheurs professionnels dans de nombreux pays, y compris le Groenland, les îles Féroé et une grande partie de l’Europe continentale. En retour, les pêcheurs reçoivent des indemnités financières et sont orientés vers de nouveaux emplois, soit dans le secteur de la pêche durable (comme l’élevage de lompes ou du crabe des neiges), soit dans le secteur touristique afin de relancer la pêche à la ligne. M. Vigfússon est également à l’origine de rachats et d’accords moratoires de plusieurs millions de dollars avec divers gouvernements nationaux, dont l’Angleterre, le Pays-de-Galles et, depuis janvier 2007, l’Irlande. Dans certains cas, comme avec le Royaume-Uni, les gouvernements ont contribué à hauteur de plusieurs millions de dollars aux projets de rachat.

                                                                                                                     

« Non seulement Orri a obtenu l’arrêt de la pêche au saumon en Islande, au Groenland et dans les îles Féroé, c’est-à-dire les zones de reproduction du saumon de l’Atlantique nord, mais il a également négocié les moratoires et trouvé les alternatives financières. C’est un travail titanesque. » Brian Marshall, Président du Wessex Salmon and Rivers Trust, Grande-Bretagne.

La dernière victoire du NASF n’a pas été facile : l’Irlande se refusait en effet à interdire les filets dérivants sous prétexte qu’ils servaient à la pêche de poissons épargnés par les rachats mis en place dans les eaux septentrionales. Pour imposer le moratoire, le NASF et ses partenaires ont dû prouver que si l’Irlande continuait à utiliser des filets dérivants, elle se mettait en violation de la convention des Nations unies sur le Droit de la mer et de la Directive européenne concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, et risquait d’être poursuivie en justice par l’UE. Sous la pression internationale, l’Irlande s’est enfin pliée aux exigences du NASF et a interdit la pêche industrielle du saumon aux filets dérivant au large de ses côtes. Dans le cadre du rachat, le gouvernement irlandais établira un fond de plus de 39 millions de dollars (environ 30 millions d’euros) pour suppléer aux pertes financières du secteur de la pêche au saumon en Irlande et lèvera 7 millions de dollars supplémentaires (environ 5,5 millions d’euros) afin d’aider les communautés rurales à faire face à leurs pertes de revenus. Ce moratoire met un terme à plusieurs années de pêche commerciale du saumon au large des côtes irlandaises, une exploitation ayant atteint certaines années un pic d’un demi-million d’individus se rendant non seulement dans les fleuves et rivières d’Irlande, mais aussi en Grande-Bretagne, en France et en Espagne. Cela soulagera la pression exercée sur les populations de saumon ayant atteint le point d’extinction dans certaines rivières.

 « Sans la détermination d’Orri, sans sa capacité à s’adresser aux ministres, aux élus européens, au Département d’État à Washington ainsi qu’aux grands rassemblements de pêcheurs au filet, il y aurait eu peu d’espoir de préserver cette remarquable espèce de poisson. Beaucoup de gens le considèrent désormais comme le Saint patron du saumon. » Roger Harrison, ancien PDG, journal l’Observer. 

La bataille pour la protection du saumon de l’Atlantique nord n’est toutefois pas encore gagnée. Vigfússon et le NASF ont offert d’apporter leur soutien au gouvernement irlandais et il y a désormais besoin urgent de veiller à ce que l’interdiction soit appliquée, que les filets dérivants ne soient pas remplacés par des filets tournants et que les voies d’eau soient efficacement gérées. M. Vigfússon demande également à l’Écosse et à la Norvège de suivre l’exemple de leurs voisins européens et de mettre un terme à la pêche commerciale au filet du saumon.

La pêche commerciale du saumon est un véritable problème écologique mondial : la surexploitation de l’espèce au Groenland a en effet un impact sur la santé des stocks de saumons au Canada, en Islande, en Écosse, en Angleterre, en Suède et en Norvège, démontrant ainsi que la protection du saumon sauvage en haute mer est une préoccupation intrinsèquement internationale. « La campagne d’Orri et du NASF va au-delà de la pêche. Il s’agit d’un effort de conservation mondial des espèces en voie de disparition. » Charles Clover, spécialiste de l’environnement, The Daily Telegraph.

L’objectif de M. Vigfússon, à savoir mettre un terme définitif à la pêche commerciale du saumon dans l’Atlantique nord, est à portée de main : il est actuellement en train de négocier avec les gouvernements nationaux afin de veiller à ce que les décisions politiques et économiques influent sur les pratiques de pêche et obtenir l’arrêt de la pêche de stocks de saumons mixtes en Norvège et en Écosse. Il souhaite par ailleurs construire un réseau mondial de jeunes pour défendre la cause du saumon et des autres espèces de poissons en voie de disparition dans le monde.

                                                                                                         

M. Vigfússon pense enfin que le NASF est en mesure de reconstituer le niveau antérieur des stocks de saumons de l’Atlantique en mettant fin à la pêche au filet systématique en haute mer et dans les zones côtières. Il souhaite à la place établir un système de gestion au niveau des cours d’eau et promouvoir une pêche sportive lucrative qui, selon lui, non seulement revitalisera les économies rurales mais dégagera des bénéfices qui serviront à l’indemnisation des pêcheurs au filet.

M. Vigfússon représente un nouveau type de champion de l’écologie, c’est un homme d’affaires avisé qui met ses qualités de collecteur de fonds et de négociateur au service de la protection de l’environnement. C’est le premier homme d’affaires à recevoir le Prix Goldman pour l’environnement et, à ce titre, il incarne le renouveau des leaders environnementaux. « Vigfússon est infatigable et vraiment sans égal. Il a pris fait et cause pour une seule espèce et a choisi cet animal qu’il adore. Il s’est fait le porte-parole de cette créature dans le monde entier. Il défend sa survie et ça marche. » Bill McDonough, éco-architecte et urbaniste américain, auteur de Cradle to Cradle.

Créé en 1990, le Prix Goldman pour l’environnement est remis chaque année aux écologistes les plus actifs des six régions continentales. Reconnu par plus de 100 chefs d’État et souvent appelé le « Nobel de l’environnement », ce prix récompense les défenseurs de l’environnement s’illustrant par leur travail exceptionnel en faveur de la protection de l’environnement et de la préservation des habitats naturels vulnérables. Fréquemment décrits comme les « voix de la nature », les lauréats du Prix Goldman ont souvent pris des risques considérables pour mener à bien leur mission. La cérémonie du Prix Goldman pour l’environnement 2007, doté de 750 000 dollars (environ 570 000 euros – divisés entre les six lauréats) sera organisée à San Francisco, aux États-Unis, le 23 avril 2007.

1. Le North Atlantic Salmon Fund est une coalition de groupes environnementaux qui vise à faire interdire la pêche commerciale du saumon au travers d’un éventail de partenariats avec les gouvernements et les pêcheurs. Consultez leur site Internet sur : www.nasfonline.org

2. Le NASF est soutenu, entre autres, par le roi du pétrole texan Perry Bass (son premier et plus important donateur), George Bush père et le Prince Charles. 

 

À propos du Prix Goldman 

1.      Créé en 1990, le Prix Goldman pour l’environnement est remis chaque année aux plus grands défenseurs de l’environnement des six régions continentales, qui se divisent la somme de 750 000 dollars (environ 570 000 euros).

2.      Nommés sur le mode confidentiel par un réseau mondial d’organisations et d’experts environnementaux réputés, les lauréats sont choisis pour leur engagement durable et actif envers la protection de l’environnement.

3.      Cette année, les autres lauréats viennent du Canada, d’Irlande, de Mongolie, du Pérou et de Zambie.

4.      Une récente étude montre que le travail combiné des anciens lauréats du Prix Goldman a profité à environ 102 millions de personnes à travers le monde.  Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le site : www.goldmanprize.org    

 

Aucun commentaire.